Un dernier conseil de lecture avant la fin de l'été : Recto-verso, les faces cachées de la carte postale aux éditions Arcadia.
Son auteur, le sociologue Nicolas Hossard y étudie l'évolution du statut de la carte postale.
Je reproduis ci-dessous l'entretien publié dans l'édition du 16 juillet dernier du quotidien LIBERATION, entretien accordé à Emmanuelle PEYRET.
Après réception, la carte postale a-t-elle un avenir ?
En fait, la carte postale a souvent quatre vies : sa fabrication, son achat, son acheminement. Enfin, la dernière, une fois reçue, elle est jetée, conservée ou donnée. Le plus souvent, les cartes sont conservées par le destinataire, comme des photos que l'on garde sans les sortir très souvent. Savoir que ces cartes sont là, quelque part dans un placard, nous rassure. Elles attestent en somme de notre existence sociale, de tous ces liens familiaux et amicaux que nous avons su développer. Contrairement à une conversation téléphonique ou autres communications orales, les écrits laissent une trace concrète de la relation.
La carte exposée est en somme une exposition de ces relations ?
La carte postale est le seul support de communication à disposer de deux faces distinctes l'une de l'autre, soit une image et un texte limité qu'il est rare d'exposer. Et c'est bien l'image qui est montrée. Ainsi disposée, elle montre que nous recevons des cartes postales et suggère que nous en envoyons. Nous démontrons aux autres que nous avons non seulement des «relations», mais aussi que nous avons les moyens sociaux, physiques et économiques de partir en vacances. Cette exposition, généralement dans les espaces domestiques, prouve à l'expéditeur de passage chez nous que l'on tient à cet objet souvenir, véritable prolongement de notre relation à lui. On lui témoigne de la reconnaissance et de l'importance. Souvent, les cartes sont affichées dans des pièces stratégiques et publiques, l'entrée, le salon, voire la cuisine, les toilettes... Les pièces plus intimes, comme la chambre et la salle de bains, n'en comptent généralement que peu ou prou.
Que dit de notre relation à l'expéditeur le fait de la garder ?
La carte postale conservée est un objet de mémoire. Si l'on ne conserve pas toutes les cartes reçues, on fera généralement une sélection en fonction de notre proximité affective à l'expéditeur. Plus un objet est émotionnellement «chaud», plus on le conservera. La carte postale est ici pleinement un «esprit» entre deux corps. Mais nos relations aux autres évoluant, il est possible, par exemple en cas de rupture amoureuse, de les jeter des mois, voire des années plus tard. Cet abandon matérialise la mise à distance de l'autre.
Pourquoi peut-on parler de «stratégie du roulement» ?
Tandis que certaines cartes seront laissées en évidence une semaine, d'autres resteront plusieurs mois sur le frigo, avant de finir dans une boîte à chaussures ou dans un tiroir. Certaines auxquelles on tient particulièrement auront une espérance de vie de plusieurs années, sur le mur des toilettes ou sur le tableau de liège au-dessus d'un bureau. Toutes n'ont d'ailleurs pas eu un circuit postal. Autrement dit, ces cartes peuvent aussi avoir été achetées par l'exposant. La fonction mémorielle que l'on attribue à l'objet est ainsi soulignée : la place de notre village d'enfance telle qu'elle n'est plus aujourd'hui, une réalité que nous avons connue et qui n'est plus à présent.
Et, enfin, on la jette...
Si on choisit un contenant et un emplacement à nos cartes reçues et donc qu'on les conserve , il est peu probable de s'en séparer par la suite. Mais, en fait, on ne les relit pas, pas plus qu'on ne les ressort. Mais à l'image des photographies personnelles, elles témoignent de notre histoire individuelle et sont, en ce sens, trop proches de nous pour qu'on puisse s'en débarrasser. C'est le déménagement qui est le pire ennemi de la carte postale, lui qui nécessite tri et organisation. En fait, le destin le plus fréquent des cartes postales conservées échappe finalement à son propriétaire. Elles font partie d'un héritage légué aux générations suivantes. A charge pour nos survivants d'avoir cet héritage très symbolique à gérer pour nous. Ce sont eux qui devront les jeter ou les stocker au fond du grenier ou de la cave, jusqu'à ce que leurs descendants décident à leur tour de leur sort.
Son auteur, le sociologue Nicolas Hossard y étudie l'évolution du statut de la carte postale.
Je reproduis ci-dessous l'entretien publié dans l'édition du 16 juillet dernier du quotidien LIBERATION, entretien accordé à Emmanuelle PEYRET.
Après réception, la carte postale a-t-elle un avenir ?
En fait, la carte postale a souvent quatre vies : sa fabrication, son achat, son acheminement. Enfin, la dernière, une fois reçue, elle est jetée, conservée ou donnée. Le plus souvent, les cartes sont conservées par le destinataire, comme des photos que l'on garde sans les sortir très souvent. Savoir que ces cartes sont là, quelque part dans un placard, nous rassure. Elles attestent en somme de notre existence sociale, de tous ces liens familiaux et amicaux que nous avons su développer. Contrairement à une conversation téléphonique ou autres communications orales, les écrits laissent une trace concrète de la relation.
La carte exposée est en somme une exposition de ces relations ?
La carte postale est le seul support de communication à disposer de deux faces distinctes l'une de l'autre, soit une image et un texte limité qu'il est rare d'exposer. Et c'est bien l'image qui est montrée. Ainsi disposée, elle montre que nous recevons des cartes postales et suggère que nous en envoyons. Nous démontrons aux autres que nous avons non seulement des «relations», mais aussi que nous avons les moyens sociaux, physiques et économiques de partir en vacances. Cette exposition, généralement dans les espaces domestiques, prouve à l'expéditeur de passage chez nous que l'on tient à cet objet souvenir, véritable prolongement de notre relation à lui. On lui témoigne de la reconnaissance et de l'importance. Souvent, les cartes sont affichées dans des pièces stratégiques et publiques, l'entrée, le salon, voire la cuisine, les toilettes... Les pièces plus intimes, comme la chambre et la salle de bains, n'en comptent généralement que peu ou prou.
Que dit de notre relation à l'expéditeur le fait de la garder ?
La carte postale conservée est un objet de mémoire. Si l'on ne conserve pas toutes les cartes reçues, on fera généralement une sélection en fonction de notre proximité affective à l'expéditeur. Plus un objet est émotionnellement «chaud», plus on le conservera. La carte postale est ici pleinement un «esprit» entre deux corps. Mais nos relations aux autres évoluant, il est possible, par exemple en cas de rupture amoureuse, de les jeter des mois, voire des années plus tard. Cet abandon matérialise la mise à distance de l'autre.
Pourquoi peut-on parler de «stratégie du roulement» ?
Tandis que certaines cartes seront laissées en évidence une semaine, d'autres resteront plusieurs mois sur le frigo, avant de finir dans une boîte à chaussures ou dans un tiroir. Certaines auxquelles on tient particulièrement auront une espérance de vie de plusieurs années, sur le mur des toilettes ou sur le tableau de liège au-dessus d'un bureau. Toutes n'ont d'ailleurs pas eu un circuit postal. Autrement dit, ces cartes peuvent aussi avoir été achetées par l'exposant. La fonction mémorielle que l'on attribue à l'objet est ainsi soulignée : la place de notre village d'enfance telle qu'elle n'est plus aujourd'hui, une réalité que nous avons connue et qui n'est plus à présent.
Et, enfin, on la jette...
Si on choisit un contenant et un emplacement à nos cartes reçues et donc qu'on les conserve , il est peu probable de s'en séparer par la suite. Mais, en fait, on ne les relit pas, pas plus qu'on ne les ressort. Mais à l'image des photographies personnelles, elles témoignent de notre histoire individuelle et sont, en ce sens, trop proches de nous pour qu'on puisse s'en débarrasser. C'est le déménagement qui est le pire ennemi de la carte postale, lui qui nécessite tri et organisation. En fait, le destin le plus fréquent des cartes postales conservées échappe finalement à son propriétaire. Elles font partie d'un héritage légué aux générations suivantes. A charge pour nos survivants d'avoir cet héritage très symbolique à gérer pour nous. Ce sont eux qui devront les jeter ou les stocker au fond du grenier ou de la cave, jusqu'à ce que leurs descendants décident à leur tour de leur sort.
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